Atacama de Claude Michel Cluny, un essai sur la guerre du Pacifique

Claude Michel Cluny, Atacama,
essai sur la guerre du Pacifique, La Différence, 2000

Dans le grand format des Œuvres (en vue d’être complètes) de Cluny, voici un fort volume de 450 pages qui débrouille les fils d’une guerre de l’Amérique latine vers la fin du XIXème siècle. Le sujet passionnera les historiens, mais quiconque aussi veut comprendre la marche du monde. Le poète, romancier et critique, Claude Michel Cluny fait ici mouche à chaque phrase. Son analyse, digne d’un meneur d’hommes, au regard d’autant plus acéré que l’auteur a presque choisi le retrait dans notre société, est constamment une leçon de politique. Cette dernière, rappelle-t-il d’ailleurs, est plus difficile à conduire que la guerre elle-même. Mais ceux qui ont lu Un jeune homme de Venise (en Folio) ne seront pas surpris du goût de Cluny pour les récits de batailles. L’angle de vue pourtant ici multiplié, la main à la plume court aussi vite dans l’essai que dans le roman. Les buts sont-ils vraiment différents ? C’est toujours à comprendre, convaincre et conjouir que s’attache la liberté faite homme à travers la pensée de Cluny.

« Une politique évasive ne résout pas les problèmes, elle les exacerbe. – La guerre est le meilleur creuset d’une nation. – Ce sont les peuples qui font les nations, pas les frontières. – Absence de vice ne fait pas vertu. – Un pays s’invente dans l’épreuve. – Les hommes dépourvus de vues et de convictions n’imaginent pas que d’autres puissent en avoir et se régler sur elles. – Le pacifisme à tout prix attire les désastres comme l’arbre seul attire la foudre. – Le pacifisme est un état d’esprit, ce n’est pas une politique. » À la différence des propos politiques, dont on devrait toujours épingler quelle évidence dirimante les anime, ceux de Cluny dûment trempés dans l’encre font voler en éclats les mensonges les mieux cachés. Ce livre intelligent, documenté, complet sur un sujet que l’auteur épuise à mesure qu’il le féconde, se double d’un plaisir à haute teneur de littérature. Il y a là de quoi rêver et vivre. C’est une posture qui grandit celui qui s’y abandonne. Sauf à bouder son plaisir, on s’accordera pour cet essai tout le bonheur qu’il mérite.


Pierre Perrin, Autre Sud n° 10, septembre 2000


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