Pierre Perrin  article sur Michel Monnereau, Réfractions (l'Arbre à paroles, 2000)

Michel Monnereau, Réfractions
éditions de L’Arbre à paroles, 2000

Originaire du Sud-ouest de la France où il est né en 1948, Michel Monnereau qui vit à Paris depuis un quart de siècle écrit des poèmes pleins d’oiseaux, d’odeurs d’herbes, d’étoiles à l’aplomb de sa vie d’homme. Il a publié avec discrétion jusqu’ici une quinzaine de recueils dont certains pour enfants. Ces derniers, parus et à venir chez Milan ainsi qu’au Dé bleu, témoignent de la simplicité dont fait preuve son écriture à l’adresse des adultes, pour autant qu’une telle distinction garde un sens. Car à Lyon où Pierre Ceysson et Jean-Yves Debreuille font réfléchir sur l’utilisation de la poésie à l’école, ces clivages s’estompent. Si l’enfant ne peut pas tout comprendre, faute essentiellement de vocabulaire, il peut tout apprendre. Ce pouvoir ne dépend pas du seul enseignement.

Les quatre-vingt-dix pages de Réfractions, livrées d’une traite, donnent à pénétrer le poids du monde, mais comme dans un halo et presque hors pesanteur. L’impression est d’accéder à une clairière. L’économie des moyens, proche parfois de la sentence, fait affleurer l’indicible, le mystère sur les lèvres.

Chaque nuit resserre
l’étrange absence de vivre.

Quelques titres aussi bien, disséminés car nombre de pages n’en comportent aucun, éclairent le fil que dévide le poète – souvent son imperceptible mémoire. Ce sont : signes immémoriaux, encoches, retour de temps, territoire du répit, la visite, entre autres. On devine l’homme au mitan de son existence, appelé à des bilans auxquels l’espoir se refuse. En fait la distance est tenue, de l’individu dans sa solitude foncière, du poète à l’œuvre. Le poème semble un instantané, mais c’est comme une photo d’une rivière. En tout Monnereau cherche et trouve le juste équilibre. Il ne quitte pas des yeux la réalité.

Je gratte les regrets
jusqu’à l’os
debout entre les murs
d’un passé qui se déchausse.
Je construis un lieu patient
dans la commune attente.

Les poètes vont à l’essentiel. C’est pourquoi, à défaut de pulvériser l’éphémère qui occupe tant leurs concitoyens, les meilleurs d’entre eux s’élèvent et survivent dans la mémoire du monde. Les pages de Michel Monnereau ne sont pas près de s’effacer.

Pierre Perrin, Friches [n° à retrouver, 2000]

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