Georges
Jean, D’entre les lignes ou l’autre parole
Librairie-galerie Racine, 2002
Il a fait ses études à l’École normale de Besançon (1937-1940), puis à l’École normale supérieure de Saint-Cloud (1941-1943) ; Sorbonne. Après avoir été un temps professeur au collège de Dole, il est nommé à l’École normale d’instituteurs du Mans, puis à la faculté des Lettres de l’université du Maine (le Mans) où il a enseigné la linguistique générale et la sémiologie. Il a publié quelque 70 ouvrages dont L’Écriture, mémoire des hommes, éd. Gallimard, 1987 ; Voyages en utopie, éd. Gallimard, 1994 ; Langage de signes ou l’écriture et son double, éd. Gallimard, 1996 ;
« Un seul oiseau dans ma main et ma main tremble. » Tel est l’un des aphorismes qui constituent, à côté de comptines pour adultes et autres poèmes de la mémoire, ce recueil de Georges Jean, né en 1920 à Besançon. Les essais sur le roman, la poésie, le théâtre et nombre d’anthologies ont rendu ce professeur de linguistique à la portée de tous presque célèbre. Il le serait sans conteste si la pétulance télévisuelle ne tenait lieu de compétence. Pourtant il préconise de « lire en fermant les yeux ». Mais ce paradoxe est trop sérieux pour les traîtres tréteaux de grande écoute !
Le présent recueil offre une sorte de flânerie dans l’humanité. Les mots, dit Georges Jean, consolent. Ils ressourcent la mémoire plutôt qu’ils ne la curent. Le poème, assure-t-il, ne se trouve qu’en l’ignorant. On ne commande pas à l’être. Or c’est à cette altitude-là que le poète voudrait atteindre. Il y parvient lorsqu’il creuse le filon de certaines fortes évocations. « Le temps nous rabote. » Qu’opposer à un tel dégauchissage ? Le coup est d’autant plus fondamental que le socle est pour tous pareil. Ne sommes-nous pas tous fichés en terre, vifs ? Ne sommes-nous pas tous repris, quand la parole justement sourd contre la parure, par « la terrible obsession de n’être que cela » ?
Le propre de l’aphorisme, c’est l’éclair, la jubilation précoce, si l’on préfère, comme dans le désir demeuré désir… Georges Jean prête aux morts celui-ci, qui est divin : « Ils entendent le silence froisser l’espace. » Il y a là une grandeur que les vivants peuvent conserver longtemps.
Pierre Perrin, Poésie1/Vagabondages n° 34, juin 2003 et Autre Sud n° 21, Juin 2003