Initiales de Chantal Dupuy, éditions Voix d’encre

Chantal Dupuy, Initiales
éditions Voix d’encre, 2000

Ce bel objet d’édition offre sur 80 pages une cinquantaine de textes entrecroisés de vingt reproductions d’encres de Michèle Dadolle. Il s’ouvre sur une citation de Jean Sulivan qui donnait à lire entre autres Car je t’aime, ô Éternité (chez Gallimard, en 1966). « Nous sommes absents de notre propre mort, nous ne l’espérimentons qu’en autrui. » Voilà une maxime qu’on croirait tirée d’un livre de Blanchot, comme quoi la pensée la plus singulière n’est jamais aussi solitaire qu’on voudrait le faire accroire. Une telle maxime est propre en tout cas à ouvrir l’appétit. La réflexion de Chantal Dupuy ne manque pas d’y pourvoir par toute une série d’interrogations qui sont autant d’apories :

Quelle part de notre mort
demeure
dans la mort des autres ?

L’ouvrage offre une descente au puits du chagrin, sans une larme. En des touches presque toujours brèves, l’enfance est revisitée et, à travers elle aux pieds du père, une histoire fondatrice que Chantal Dupuy élève à la hauteur d’un mythe en fragments. Elle parle en créant un mot-valise réussi de l’ensilencement noir / qui enchâsse les mots. Plus loin elle avance que « la mort seule génère la création ». Montaigne faisait prospérer une semblable découverte dans les deux domaines de la genèse et des équilibres planétaires. La modestie de Chantal Dupuy la conduit à sonder le langage en psychologue et en poète. C’est un bonheur. Elle réinsuffle la vie à des cendres. Avec ce beau recueil, elle emplit davantage que ses Initiales, comme deux roses éclairent une pièce.

Pierre Perrin, Poésie1/Vagabondages n° 22, juin 200O


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