Dominique Sampiero,
Les Pluies battantes
éditions Lettres vives, 1996
Le talent de Dominique Sampiero est indubitable. Si les premiers livres se ressentaient d’imitations nombreuses, c’était naturel. L’essentiel était que déjà perçait une voix dont le timbre aujourd’hui s’affine et gagne en « fraîche évidence ». Si transparaît encore une certaine parenté avec Bobin, ici et là, l’univers de Sampiero est en train de s’édifier avec sa singularité propre qui a dépassé le stade des promesses.
Faisant suite à cinq autres parus l’an dernier – un véritable feu d’artifices –, ce recueil de proses, réparties en huit ensembles, se donne à lire et plus encore à relire comme une métaphore générale de l’écriture (et de la vie) qui se résumerait peut-être à trois axes principaux aux interpénétrations subtiles et puissantes : une réflexion sur le sens de la présence et de l’absence, la mort, l’amour.
L’art de Dominique Sampiero conjugue et quelquefois brasse l’abstraction et le concret. « Celui qui ne parle pas ne sait pas ce qu’il sait. Tout ce qui est su en lui est plus grand que lui. » Une remarque de ce type ne s’avale pas cul sec, à la différence de cette autre par exemple : « Il y a toujours un moment où l’on s’imagine que celui qui dort va se lever. C’est pesant ce sommeil où plus rien ne bouge. On est empêtré. »
Le concret et l’abstraction mêlés, c’est tout l’art de la métaphore ; et c’est là que rutile, presque à perte de souffle, la voix de Sampiero. « Alors elle s’accroupit, saisit un morceau de ciel à son tour celui gris et lourd des jours de flaques et le griffe, le viole l’exaspère jusqu’au sang, le jus noir des ronces coule sous les portes, les vitres éclatent, dans son ventre une terre lourde pousse de toutes ses forces la porte de son être qui claque […] Une présence au bord des doigts ».
Il semble à peu près certain que nous soyons là devant un auteur de grand avenir, comme un Éluard peut-être au seuil des années trente. Ce serait vraiment dommage de ne pas tenir compte dès aujourd’hui des livres déjà essentiels de Dominique Sampiero.
Pierre Perrin, La Bartavelle n° 5, octobre 1996