Anthologie personnelle de Luciennes Desnoues [Actes Sud, 1998]

Lucienne Desnoues, Anthologie personnelle
Actes Sud, 1998

« La critique est l’art de mettre les œuvres en lumière et au rang de leur juste valeur. »
Pierre Reverdy, Le Livre de mon bord, Mercure de France, 1948

Que des vivants riment encore fait un peu l’effet d’un prêtre en soutane. À la recherche de l’absolu, la nudité n’est-elle pas de règle ? Que peut-on découvrir, à chausser des œillères ? Les cadres sont faits pour les natures mortes. Lucienne Desnoues entremêle, en cet ouvrage, son respect des antiquités poétiques, qui sentent la cire, parfois le xylophène, et une pétulance certaine qui la conduit vers de certaines innovations. À l’aune d’un Bonnefoy, certes, sa mesure est étroite. Elle ne l’ignore pas, à consigner : « je quitte souvent vos raidillons subtils / Pour mon léger sentier de biche et de lionne ». Cependant, cet art volatil, aux fraîcheurs de sous-bois, de jardins, outre qu’il révèle un tempérament porté au primesaut, et qu’il libère donc des vues parfois moins courtes qu’il n’y paraît, sait aussi constamment alléger les gravités de l’existence. Par exemple, dès l’avant-propos, Lucienne Denoues sait écarter, d’un seul coup de plume, le goût que d’autres portent à « d’ésotériques voltiges ». Dès le premier poème choisi, sa modestie lui fait écrire :

Je perce de frêles tunnels
Dans le grand Mutisme éternel
Plein de cigales.

Femme, elle chante « l’amour minutieuse » et surtout évoque la grande ombre de l’époux, vivant puis disparu, comme il est peu courant de lire cela. La douzaine de pages réunies sous le titre Dans l’éclair d’une truite méritent l’attention que chacun porte aux allées de mots fortes comme des buis.

Pierre Perrin, Poésie1/Vagabondages [n° non retrouvé à ce jour]

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