Ce beau petit livre de 184 pages, constitué d’entretiens, de lettres, de notes et autres, agace comme agace un citron sous la dent. Car un lettré pétille dans ces pages et nombre de ses vues emportent l’adhésion : « on n’apprend que par soi-même » ; « un choix implique toujours de ne pas regretter ce qu’on a dédaigné, volontairement ou non. » Remarques nettes, carrées, indiscutables. Mais devant d’autres, plus vindicatives, des contradictions tout aussitôt s’élèvent. Par exemple Stéfan assassine le dialogue ; « on ne peut se parler que dans le silence – d’où l’amour » ; or il publie huit « entretiens » pour ouvrir ce volume. Plus sérieusement il écrit, pour reprendre ses termes, haut et fort qu’il vise à l’intemporel, tandis qu’il ne cesse de revendiquer « l’avant-garde à laquelle j’ai dû appartenir, la belle époque […] ». Il cite Julien Gracq, pour l’excellence du choix de son pseudonyme et non pas pour celle de La Littérature à l’estomac, qui mettrait à mal cette haine qu’il professe pour la poésie des années 80, dans la droite ligne d’Éluard, où Stéfan voit renaître « un lyrisme décati, des religiosités, les vers mous, le racontar subjectif, le chant anhistotique, la tombée dans les mots disjoints, ou la logomachie biblico-verbale, la “poésie” des champs et des enfants. “Ça veut dire!” »… Voilà donc les vaticinations – hautes en couleurs – d’un atrabilaire des Lettres qui rappelle au passage le mot de Sartre selon lequel « la médiocrité est motivée par le ressentiment ». Ce dernier, telle une autoraillerie, court à travers le livre – agaçant, comme tout ce qui vit. Pierre Perrin, La Bartavelle Page précédente — Imprimer cette page — Page suivante |