Marcel MIGOZZI, Nuit et jours, poèmes (avec quelques illustrations de Roger Bertemes), éditions Phi, Octobre 1995.

T

out d’abord, ce volume de petit format, de 104 pages, à la couverture originale (en ce qu’elle combine le tape à l’œil et une rigueur certaine) est déjà un objet, sinon de désir, du moins de séduction. D’autre part, c’est le dix-neuvième recueil de ce poète, qui publie – chez de petits éditeurs de qualité – depuis près d’un quart de siècle. Enfin et surtout il se trouve là une voix digne d’être écoutée.

Quatre poèmes ou ensembles de poèmes courent les pages en peu de lignes et encore moins d’images, et pourtant saisissent le lecteur. L'écriture de Marcel Migozzi témoigne d’une économie de moyens dans laquelle l’ellipse est fertile. Qu’on en juge par ce fragment de L’autre nuit, le premier ensemble, qui narre un accident : « N’insistons pas. Nous étions / Dans le périmètre immédiat de l’épouvante. // Crierie / Muette de frissons. // Quelque chose mort / Obstruant les regards. // L’épouvante l’enregistrait / En secrétaire intime. » Le « Quelque chose mort » fait écho sans doute au livre de Roubaud… Dans le second, L’Amandier, dédié à Jaccottet, règne le parfum, celui « De la blancheur nue d’une blouse » ou mieux encore « Au faîte d’un désir déjà // Parfumé de sa décadence. » Le troisième célèbre, à travers le farniente, dit encore le « faste de l’inexistence », la sérénité, dans la modestie. « Qu’est-ce qu’on est, la fin / De quelque chose usé / Dans un creux, une caresse au fond / Peut-être morte et entourée / De sa dernière peau ». Parlons peu enfin rassemble des saisies de toutes sortes qui font mouche. Ainsi « L’herbe évite / Le gris. On a dû être absent / À cette leçon » – qui vaut un art poétique mêlé à un art de vivre : « Surnoter la réalité. / L’encourager / À l’invisible ».

Le poème de Migozzi lève la lumière.

Pierre Perrin